Philippe Fossé, Olivier Mauffret, Brigitte René, Loussiné Zargarian, Anissa Belfetmi, Ouerdia Maskri
Etude de l'activité déstabilisatrice de la protéine de nucléocapside du VIH-1
Par son activité chaperonne des acides nucléiques, la protéine de nucléocapside (NC) joue un rôle crucial pendant la transcription inverse du génome viral. Elle facilite les transferts de brin d'ADN qui sont nécessaires à la transcription inverse et à la recombinaison virale. Elle agit en déstabilisant et en associant les ADN et ARN structurés qui sont impliqués dans ces transferts. Notre analyse des complexes NC:acides nucléiques suggère fortement que la NC se fixe en reconnaissant la polarité des acides nucléiques mais qu'elle interagit différemment avec l'ADN et l'ARN. En effet, l'orientation de la protéine (N vers le C-terminal) est parallèle à l'orientation 5'-3' de l'ADN dans le cas de l'ADN tandis qu'elle est antiparallèle dans le cas de l'ARN (Figure 1). Notre hypothèse est que la polarité de fixation de la NC joue un rôle important dans l'association ADN-ARN qui conduit au transfert de brin. Pour confirmer cette hypothèse, nous analysons aux deux niveaux, structural et dynamique les contacts qui s'établissent entre les acides nucléiques et les différents domaines de la NC. Nous nous focalisons en particulier sur les contacts impliquant les riboses, les désoxyriboses et les acides aminés de la NC.
La NC accélère l'hybridation de deux acides nucléiques uniquement lorsqu'ils sont structurés. Cette accélération résulte d'une propriété majeure de la NC qui est la déstabilisation des acides nucléiques structurés. Par conséquent, un autre objectif de notre étude est de comprendre comment la NC déstabilise les structures secondaires des ADN et ARN. Pour atteindre cet objectif, nous analysons les propriétés dynamiques des acides nucléiques seuls et complexés avec la NC en utilisant les mesures de relaxation RMN 13C et 15N. Une connaissance approfondie du mécanisme de déstabilisation nécessite d'obtenir des données sur la dynamique interne des molécules impliquées. La formation du duplex ADN-ARN est suivie au cours du temps en présence des trois partenaires (ADN, ARN et NC) dont l'un est marqué. Le suivi de la dynamique du complexe d'hybridation est essentiel pour identifier les différentes étapes du processus et les espèces majeures qui conduisent à la formation d'un duplex ADN-ARN stable. La mutagénèse dirigée ainsi que des sondes chimiques et enzymatiques sont utilisées pour confirmer les mécanismes déduits de l'étude RMN.
Les deux doigts de zinc de la NC ne présentent pas les mêmes propriétés. Le doigt de zinc N-terminal est plutôt impliqué dans la déstabilisation des acides nucléiques structurés tandis que le doigt de zinc C-terminal est plutôt impliqué dans la fixation préférentielle au niveau des guanines accessibles. Un de nos objectifs est de déterminer au moyen de la RMN comment est coordonnée l'action des deux doigts de zinc. Nos études conduisent à mieux comprendre l'activité chaperonne de la NC et donc son rôle dans la transcription inverse et d'autres étapes du cycle rétroviral telles la dimérisation et l'encapsidation de l'ARN génomique du VIH-1.
Etude structurale des acides nucléiques impliqués dans le 1er transfert de brin
Le 1er transfert de brin est une étape essentielle de la transcription inverse du génome du VIH-1 qui permet de convertir l'ARN génomique du virus en ADN double-brin. Ce transfert se produit de l'extrémité 5' vers l'extrémité 3' de l'ARN génomique au niveau des séquences R dupliquées. Il a lieu après la synthèse de l'ADN simple-brin « strong stop » (ADNss) par la transcriptase inverse (RT). Au cours de la synthèse d'ADNss (178 nt), les régions R et U5 de l'ARN sont copiées par l'activité polymérase de la RT et sont dégradées par son activité RNase H. De ce fait, l'ADNss se désengage de sa matrice ARN située en 5' du génome et peut se replier avant de s'apparier via sa séquence r avec la séquence R qui lui est complémentaire et est située en 3' de l'ARN génomique (ARN 3'UTR). Le 1er transfert repose donc en grande partie sur la formation d'un hybride ADN-ARN impliquant la région r de l'ADNss et la région R située dans l'ARN 3'UTR. L'ARN 3'UTR est replié et donc structuré avant de former l'appariement r-R et c'est probablement aussi le cas pour l'ADNss. Plusieurs études in vitro suggèrent fortement que la NC facilite le 1er transfert de brin, en déstabilisant les structures des deux acides nucléiques et en permettant ainsi l'appariement des séquences complémentaires. A ce jour, le processus qui permet à la région r de l'ADNss de s'apparier avec la région R de l'ARN 3'UTR en présence de NC n'a pas été caractérisé à l'échelle moléculaire.
Notre objectif est de caractériser les mécanismes moléculaires qui régissent l'hybridation de l'ADNss avec l'ARN 3'UTR en reconstituant in vitro ce processus avec la NC, l'ADNss et l'ARN 3'UTR. Cet objectif sera atteint en caractérisant par les sondes de structure (agents chimiques et nucléases) et par mutagénèse dirigée : 1) la structure secondaire de l'ADNss ; 2) les sites de fixation de la NC sur l'ADNss et l'ARN 3'UTR ; 3) l'accessibilité des séquences complémentaires r et R dans l'ADNss et l'ARN 3'UTR ; 4) le ou les sites d'initiation de l'hybridation au niveau de l'ADNss et de l'ARN 3'UTR ; 5) l'étendue de l'appariement des séquences complémentaires r et R ; 6) la structure secondaire du duplex ADNss-ARN 3'UTR et les sites de la NC sur ce duplex. Les points 1 et 2 ont déjà été atteints (Figure 2, les sites sur lesquels se fixe préférentiellement la NC sont colorés en mauve).
Figure 2